Déjà, toute petite, je rêvais de ce continent. Déjà, toute petite, je rêvais de cette terre. Déjà, toute petite, je rêvais de ces gens.
Aujourd’hui je suis là. Je foule le sol de cette terre qui m’a fait tant rêver. Mais comment pourrais-je être certaine que je ne suis pas en train de rêver à tout cela.
J’ai d’abord songé à mes sens pour me convaincre que je suis bien éveillée sur ce continent qui détient le passé de l’humanité dans ces traditions et peut-être aussi son avenir dans ces enfants. Pour la première fois, je peux voir, je vois toute cette terre d’une couleur rougeâtre. Je vois ces marchés et ces marchands marchander. Je vois ces femmes transportant leurs biens sur leur tête, leur petit dans le dos. Je vois ces enfants, des enfants par millier qui gambadent et apprennent, comme ils le peuvent, sur leur petit pupitre, dans une classe ou avec une brindille dans la rue. Je peux aussi entendre; j’entends l’activité des villes, les motos, les vélos. J’entends la proximité avec les animaux, les poules et les chèvres qui passent. J’entends de nouvelles langues qui s’éloignent de tout ce que j’ai pu entendre dans ma vie jusqu’à présent. Tout ça, je le fais pour la première fois.
Cependant, rien de ceci ne me prouve que je vive réellement mon rêve. Après tout, j’aurais pu créer ces souvenirs à force d’écouter des vidéos sur l’expérience d’autres personnes ou encore en écoutant National Géographique.
Alors, je me tourne vers mes autres sens. Je peux pour la première fois sentir ce continent. Je sens la chaleur et le vent qui emmêle mes cheveux. Je sens les marchés et leurs marchandises. Je m’approche pour la première fois de fleurs inconnues dont le parfum m’envoute. Je sens aussi la poussière et la sécheresse des villes autant que l’humidité du lac. Je goûte aussi. J’ai pu goûter à des milliers de saveurs nouvelles. J’ai pu goûter de nouvelles épices, des nouvelles céréales, de nouveaux plats, toujours préparés avec attention.
Cependant, rien de ceci ne me prouve que je vive réellement mon rêve. Et si mes sens me trompaient. Je dois donc me rabattre sur la seule chose dont je suis certaine. Si je pense, je suis. Ceci me ramène à une autre certitude; si quelqu’un parle, il pense, et s’il me parle c’est qu’il est devant moi.
Alors voilà, pour la première fois, je communique avec des gens de ce continent pour lequel j’ai tant espéré. Je suis accueillie comme un membre à part entière d’une famille dont j’ignorais tout il y a environ 1 mois. Un père est maintenant aussi inquiet de sa nouvelle fille que de ses enfants. Tout doit être bien pour sa nouvelle protégée, la nourriture, l’eau, la chambre, la salle de bain, la santé, tout. Une mère fait coudre un habit typique de la région et prépare un repas pour l’anniversaire de sa nouvelle fille. Elle venait tout juste de connaître sa date de naissance. Des frères et des sœurs sont prêts à partager des moments spéciaux, des échanges d’idées, des événements et même à surmonter des moments difficiles avec quelqu’un qu’ils viennent de rencontrer. Il y a aussi ces rencontres passagères avec des enfants qui te voient comme la chose la plus extraordinaire qu’ils ont vu cette année. Il y a ces gens qui te saluent et t’acceptent un court instant dans leur vie, juste le temps de partager un moment. Ensuite, il y a mes collègues, africains, prêts a m’accepter dans leur travail et à me traiter comme leur égale pour partager différentes pratiques. Et il y aura bien d’autres personnes qui entreront dans ma vie et qui me marqueront.
C’est ça qui me prouve que je suis ici présentement. Les souvenirs des gens me semblent beaucoup plus clairs et profonds que toutes les autres images que j’ai pu voir jusqu’à présent. Je suis en train de vivre mon rêve parce que d’autres y participent.
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1 commentaire:
Ça nous fait prendre conscience à quel point un voyage autant dépaysant peut sembler irréel. Tout comme un enfant qui va pour la première fois au dépanneur seul pour acheter un carton de lait pour sa famille.
Bref, un sentiment rarissime qui se produit à toutes les premières fois que la vie nous offre.
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